Rencontre: le bain de forêt avec Valérie Dulière

Aujourd’hui je rencontre la généreuse Valérie Dulière. Elle vient nous parler de son activité de guide de Shinrin Yoku, le Bain de Forêt.

Valérie est Docteure en Sciences Physiques. Elle partage son temps entre ses enfants, son métier de chercheuse et son activité de guide de promenades forestières thérapeutiques.

Via Sharing Yoku, elle offre des bains de forêts -pour le bien-être, le plaisir, la relaxation, et aussi pour la simple joie de se reconnecter à la forêt, à la nature -et à NOTRE nature! Car nous autres êtres humains en faisons tous partie.

Prêt à découvrir le Shinrin Yoku? Valérie, telle une véritable elfe, est la médiatrice entre la forêt et nous. Elle nous dévoile la science et la magie de cette pratique. Nous allons du Japon à Bruxelles, en passant par chez vous grâce à une méditation guidée au doux sons des oiseaux.

Prenez un grand bol d’air. Grande inspire, grande expire. Le rideau se lève, la forêt s’offre à vous.

Valérie Dulière, guide de Bains de Forêt

Sophie de Yes Yoga Bien-Être: Qui es-tu Valérie? Quelle est la médecine que tu apportes au monde?

Valérie Dulière: Je suis une belge de 44 ans et maman de 2 ados. Je suis aussi guide Shinrin-Yoku et docteure en Sciences Physiques. J’aime danser, lire et passer du temps en forêt.

La médecine que je tente d’apporter au monde a pris un premier tournant il y a 20 ans quand je me suis lancée dans la recherche scientifique. Je voulais déjà servir la nature que je sentais souffrante. J’ai donc travaillé sur des problématiques environnementales, à développer et utiliser des programmes numériques qui permettent de modéliser les systèmes naturels comme l’atmosphère ou les écosystèmes marins.

Ce travail est captivant mais très exigeant, surtout au niveau du mental. 

Récemment, j’ai senti le besoin de me déconnecter de mon ordinateur et de me reconnecter à la nature. Voyant qu’un message scientifique, même préparé avec beaucoup d’amour et de neurones, ne suffisait pas toujours à faire changer les choses (ou en tous cas, pas assez vite à mon goût), j’ai eu envie d’explorer une approche moins mentale et plus basée sur l’ouverture du coeur. J’ai eu envie d’offrir aux gens la possibilité de renouer des liens profonds avec la nature en créant un espace où il est possible de se poser et de sortir de la frénésie quotidienne, un espace qui permette de se reconnecter à soi-même par le biais la nature.

J’ai l’intuition que ça pourrait aider à régler pas mal de problèmes à bien des niveaux. J’en suis donc à un autre tournant de ma vie…

La médecine que je souhaite apporter aujourd’hui est une médecine douce ou plutôt une pratique connue sous le nom de Shinrin Yoku (ou bain de forêt, ou encore promenade thérapeutique forestière) et adaptée à nos cultures occidentales. C’est une pratique low-tech, accessible à tous, simple et efficace. On peut la pratiquer de n’importe où, bien que l’idéal soit de la pratiquer dans un milieu naturel comme une forêt, un parc, un bord de mer ou un jardin. Elle se pratique en solo ou en groupe.

La pratique du bain de forêt offre une sorte d’expérience « hors du temps » pendant laquelle les possibilités de rencontre avec soi-même, de guérison et de croissance sont renforcées. Les bienfaits s’observent aussi bien aux niveaux physiologique et psychologique que cognitif. Certains disent aussi que cette pratique ferait du bien à la nature qui nous entoure. Alors pourquoi s’en priver ?

S/YYBE: Rencontre avec soi, guérison et croissance: ça donne envie! Et à ceux qui sont sceptiques, que peux-tu partager?

V.D: Les bienfaits sont prouvés, en voici quelques exemples, recherches scientifique à l’appui!

Après déjà une séance de thérapie forestière, des études (Lee et al. 2015) ont montré que les symptômes de dépression sont améliorés de manière significative. D’autres chercheurs (Kotera et al, 2020) ont aussi trouvé que la thérapie forestière améliore la santé mentale et diminue le niveau d’anxiété. Le niveau de cortisol salivaire, biomarqueur de stress, a été étudié (Antonelli et al. 2019) et les chercheurs ont montré que lui aussi diminue grâce à la thérapie forestière. Elle augmenterait aussi la créativité et les émotions positives et diminue les émotions négatives selon Chia Pin et al (2020).

Pour ceux qui aiment les chiffres, en voici. Différentes études ont montré que les personnes passant au moins 120 minutes chaque semaine dans la nature sont 59 % plus nombreuses à se sentir en bonne santé et 23 % plus nombreuses à éprouver du bien-être que les autres (White et al. 2019). D’après le travail de Ryan et al (2021), le simple fait de se trouver dans un environnement naturel améliore considérablement la vitalité et donc les performances. Et enfin, selon Pasananen et al. (2017) la connexion à la nature permet de restaurer l’attention et la concentration de 57 % et améliore de 37 % le bien-être émotionnel.

Lors des bains de forêt que je guide, j’aime aussi proposer des cercles d’écoute et de partage. Ceux-ci permettent de diminuer l’anxiété, et de s’engager dans une introspection plus profonde qui permet une plus grande conscience de soi et entraine une attitude globale plus positive.

S/YYBE: Et pour toi, c’est quoi le bain de forêt?

V.D: Le bain de forêt, pour moi, c’est un moment de complicité avec la forêt.

C’est aussi un moment où je peux ralentir, mettre mon mental sur pause, réveiller mes sens et me retrouver avec moi-même. C’est un moment de liberté, comme une véritable bouffée d’oxygène. J’y vis ce que j’ai à y vivre. J’y ressens ce que j’ai à ressentir. Le bain de forêt, c’est aussi un moment où je peux réapprendre à prendre le temps et à m’émerveiller.

Eveiller ses sens lors d’un bain de forêt

S/YYBE: Comment as-tu découvert cette pratique? Que signifie Shinrin Yoku?

V.D: Je suis tombée dans le bain un peu par hasard… même si je crois que ça m’appelait depuis longtemps. A cette époque, j’allais au travail en vélo et je passais par le parc du Cinquantenaire pour aller au Musée des Sciences Naturelles là où je travaille comme chercheuse. J’avais essuyé quelques coups durs, de ceux que même les sorties entre copains avaient du mal à vous sortir.

Progressivement, je me suis rendue compte que de passer par ce parc me faisait du bien, que d’une certaine manière, ça m’apaisait et me revigorait. J’ai alors commencé à y passer de plus en plus de temps, à y méditer, à observer les arbres et parfois même, à timidement les toucher. Le parc du Cinquantenaire est un parc en plein centre de Bruxelles, alors j’avais mon truc… Je m’adossais contre un arbre et je faisais mine de regarder mon téléphone. J’avais la nette impression que ce parc me ressourçait, que si j’étais triste ou chargée de colère, le fait de passer quelques minutes dans ce parc m’apaisait et inversement, si j’étais hyper-enthousiaste suite à une bonne nouvelle, mon passage par le parc me ramenait les pieds sur terre.

Mon esprit scientifique a très vite voulu en savoir plus et de fil en aiguille, je suis tombée sur un livre qui décrivait la pratique japonaise du Shinrin Yoku. En japonais, Shinrin signifie « bain » et Yoku, « forêt ». Cette pratique du bain de forêt existait donc depuis les années 80, études scientifiques à l’appui. Voilà qui a rassuré mon esprit cartésien et l’année suivante, je m’inscrivais au programme de l’ANFT (Association of Nature and Forest Therapy) pour devenir guide.

Peu de temps après, je lançais mes bains de forêt sous le nom de « Sharing Yoku », naissant d’un clin d’oeil au « Shinrin Yoku » et de cette envie de partager mon amour de la forêt.

S/YYBE: Quelle est la différence entre se promener seul dans la nature et faire un Bain de Forêt avec un guide ?

V.D: Se promener seul dans la nature, c’est déjà bénéfique pour la santé ! Pour ce qui est de le faire avec ou sans guide, j’aime bien prendre l’analogie du yoga. Se promener en forêt, ça serait comme s’allonger sur un tapis de yoga. Ca peut déjà s’avérer bénéfique pour beaucoup de monde !

Prendre un bain de forêt avec un guide certifié, c’est comme faire du yoga avec un professeur de yoga. Tout dépend de ce que vous recherchez, et de si vous être prêts à lâcher prise pour vous laisser guider. 

fin du bain de forêt
Un moment de partage pour clôturer le bain de forêt

S/YYBE: Sur ton site, tu parles de bain de forêt “classique” et d’écopsychologie. Peux-tu nous en dire plus?

V.D: Je ne suis pas experte en écopsychologie, mais disons que l’écopsychologie est un domaine qui combine l’écologie à la psychologie et qui vise au développement d’un rapport durable entre les humains et leur environnement. Elle vise à renforcer le lien émotionnel entre les humains et le monde du vivant qui l’entoure.

Renforcer ce lien est aussi un des objectifs de ceux qui ont développer la méthode sur laquelle je base ma pratique du bain de forêt. Pour ma part, je vois donc le bain de forêt comme une pratique ou méthode de soin qui découle, entre autre, de l’écopsychologie. De plus, dans mon approche du bain de forêt, le vivant qui nous entoure prend une place importante puisqu’il est considéré comme un partenaire à part entière.

Pour la petite histoire, je vous avoue qu’après avoir réactivé mon lien émotionnel avec une partie du vivant lors de ma formation de guide, j’ai ouvert mon frigo et je me suis demandé si j’allais arriver à remanger de la salade un jour. Je vous rassure, aujourd’hui je remange de la salade. Ce qui a changé, c’est que je la choisis et je la savoure autrement.

S/YYBE: Salade ou forêt, c’est une belle invitation à intéragir avec le vivant autour de nous de manière différente. Comment se passe un bain de forêt avec toi?

V.D: Un bain de forêt avec moi est une expérience à vivre, une immersion sensorielle qui dure entre 2 et 3 h. On se retrouve de préférence dans une forêt ou dans un parc. Je guide en présentiel ou à distance des groupes de 2 à 10 personnes.

Le bain de forêt se présente sous la forme d’activités douces que je propose et qui permettent de ralentir le mental et d’éveiller nos sens. J’invite les participants à s’écouter et à adapter les activités s’ils en ressentent le besoin, le tout dans le respect de leur propre personne, des autres participants et de l’endroit qui nous accueille. Après chaque activité, nous nous retrouvons en cercle et ceux qui le souhaitent ont la possibilité de partager.

L’expérience du bain de forêt est différente pour chacun et peut varier d’un bain à l’autre. Certains auront revécu des sensations de leur enfance, d’autres auront accueilli un deuil inachevé ou se seront déchargés de certains poids. Chaque bain est une sorte de cadeau surprise même si globalement, les participants confient se sentir plus relax et sereins après un bain.

S/YYBE: As-tu une saison préférée? Un type de forêt préféré? Un moment préféré de la journée pour le bain de forêt?

V.D: Ce que j’aime, ce sont justement ces changements de saison, de météo et de lumière. C’est comme si à chaque fois, je découvrais la forêt sous un nouvel angle.

J’aime les matins d’hiver et le bruit de l’herbe gelée qui craque sous mes pieds, puis quand les premiers rayons du soleil transforment l’humidité du sol en un voile blanc qui s’élève dans le vent. Au printemps, j’aime découvrir les jeunes pousses, écouter la sève qui monte dans les arbres. J’aime l’odeur du champignon et du humus en automne et sentir le soleil sur ma peau en été…

S/YYBE: Souhaites-tu nous guider dans un court bain de forêt ou de nature?

V.D: Bien sûr! Voici:

S/YYBE: J’aime beaucoup aussi les différentes formules que tu proposes, cela semble inclure le plus de monde possible. Veux-tu en dire plus?

V.D: C’est vrai que j’essaye d’y inclure un maximum de personnes parce que j’ai le sentiment que chacun, quelque soit sa situation ou son parcours, aurait à bénéficier d’un bain de forêt (y compris la forêt!).

Les formules que j’ai mises en avant reflètent sans doute les étapes de la vie où le bain de forêt m’a ou aurait pu m’aider.

J’ai aussi récemment co-guidé un bain de forêt pour des étrangers en situation difficile à Bruxelles. C’était intense et riche et chacun est rentré chez lui plus serein, plus apaisé, les yeux plein d’étoiles et le coeur en soleil.

S/YYBE: Tu disais que ta médecine est d’offrir une approche de la nature basée sur l’ouverture du coeur. On dirait que ce bain de forêt avec les étrangers en situation difficile est tout à fait en alignement avec ce souhait…

V.D: J’ai pas mal d’anecdotes et la dernière, sans doute une des plus marquantes pour moi, est ce bain de forêt que j’ai co-guidé avec mon amie Donatienne pour un groupe d’immigrés vivant à Bruxelles et suivant un programme d’insertion auprès de l’asbl MOVE. C’était une de ces premières journées de printemps avec un beau soleil encore bas et les cerisiers en fleur. Il y avait une dizaine de participants venant notamment de Libye, Syrie, Afghanistan, Guinée et Maroc. Jusqu’à présent, j’avais surtout guidé des personnes privilégiées, au moins d’un point de vue matériel.

Et là, nous nous retrouvions face à des personnes qui ont du quitter leur pays avec parfois de lourds traumatismes, des personnes qui ne se connaissaient pas et qui ne parlaient pas tous notre langue ! Le challenge était de taille. Nous y avons mis tout notre coeur, bien décidées à leur permettre de profiter des bienfaits que la forêt avait à leur apporter ce jour-là.

A la fin du bain de forêt, alors que nous préparions la cérémonie du thé et que je sortais mes quelques amandes et autres fruits secs, plusieurs participants ont sorti de leurs sacs des plats énormes avec toutes sortes de spécialités de leur pays. La cérémonie du thé s’est alors transformée en un vrai festin, partagé avec des gardiens du parc qui passaient par là !

Moi qui était surtout là pour ouvrir des portes et pour donner, j’ai beaucoup reçu ce jour-là…

S/YYBE: Cela me fait chaud au coeur rien que d’entendre cette histoire.
Tu animes aussi des groupes de femmes. Est-ce spécial de guider un groupe de femmes dans un bain de forêt?

V.D: Mon expérience avec des groupes de femmes est qu’assez vite, un esprit de sororité se met en place. J’aime beaucoup voir comment les partages se font souvent écho l’un l’autre, et comment les mots de l’une viennent soudain éclairer le vécu d’une autre.

J’ai aussi le sentiment que plus que jamais, les femmes ont besoin d’espaces de parole bienveillants et d’occasions de se reconnecter à la nature et à leur propre nature. Certaines femmes aimeraient se rapprocher de la forêt et n’osent pas s’y aventurer seules alors le bain de forêt guidé peut être une solution.

S/YYBE: Merci pour tous ces partages, souhaites-tu rajouter quelque chose?

V.D: Je souhaite encore dire qu’en anglais, l’ANFT utilise le terme « Forest therapy walk », qui se traduit littéralement par « promenade forestière thérapeutique ». Je ne suis pas à proprement parler thérapeute. Dans ma manière de pratiquer le bain de forêt, c’est la forêt qui joue le rôle du thérapeute. En tant que guide, je suis là pour encadrer et ouvrir des portes qui offriront aux participants l’occasion de rentrer en contact avec leur thérapeute personnel qui est la forêt ! Pour cela, j’utilise une séquence standard, un langage spécifique simple et ouvert, et finalement, le processus de groupe.

Si vous êtes psychologue, animateur de centre, éducateur, professeur, etc. et que vous souhaitez faire vivre une telle expérience à vos protégés, n’hésitez pas à me contacter !

S/YYBE: Merci Valérie! Où peut-on te trouver pour tes rendez-vous en forêt, et à distance pour ceux qui ne vivent pas près de Bruxelles?

V.D: Vous trouverez les prochaines dates prévues sur mon site sharingyoku.com. Je propose des bains de forêt en français et en anglais. J’organise aussi des bains de forêt à la demande, alors n’hésitez à me contacter sur le site ou sur Facebook et IG!

Merci Valérie!

Et aussi:

Pour continuer à lire sur le Shinrin Yoku, voici Shinrin Yoku: l’art japonais des bains de forêt

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Expérimentez le bain de forêt avec Valérie!